jeudi 26 février 2015

Liberté d'expression







© AntoNine, Pastel, 2011, collection particulière 










Liberté d’expression



On peut toujours tenter de s’interroger sur ce que pourrait désigner la notion de  liberté d’expression si elle n’était pas déjà en soi une sorte de fourre-tout idéologique où tout a droit de cité, si j’ose dire par définition, puisque chacun est, en théorie, libre de dire, d’exprimer, en tout cas de penser ce que bon lui semble, droit imprescriptible qu’il serait bien impossible de retirer à l’individu sous quelque prétexte que ce soit.
Pour un poète, pour un artiste de façon générale, la liberté d’expression ne se pose pas en ces termes. La liberté est la condition nécessaire à la quête qui est la sienne d’une expression à la fois unique, originale d’un sentiment de la réalité qui peut être communiqué à tous, voire partagé par quelques-uns.
De façon épidermique, l’artiste est évidemment hostile à toute censure, à toute limite. L’espace sensible dans lequel il se meut en tant qu’artiste n’est en rien celui de la « citoyenneté », c’est lui-même qu’il affronte, ses propres démons, ses fantasmes, ses audaces, éventuellement oui sa propre folie, sa réponse à la vie que personne d’autre ne peut apporter à sa place.
La liberté d’expression commence avec l’invention du réel dont nous sommes capables. Il ne s’agit en rien de la réduire aux croyances ou non croyances des uns et des autres. Même s’il est vrai que la raison n’est pas tout l’homme, que la physique des univers n’obéit pas à la seule rationalité humaine, on ne peut nier que des forces irrationnelles sont à l’œuvre en nous, prêtes à nous procurer des plaisirs de l’ordre de la transgression, mais aussi bien des douleurs qu’il nous faut reverser à l’ordre de la vie.

Ce dont souffre le plus la liberté d’expression pour les poètes et les artistes est de nature insidieuse dans les sociétés capitalistes. La censure exercée n’est pas d’abord ou essentiellement morale et dogmatique, elle est tout simplement économique. C’est ainsi que nous vivons le plus souvent dans le futile et que certaines grandes voix deviennent inaudibles. C’est pourquoi je veux terminer sur une citation d’un grand poète de ce temps, Guy Cabanel, qui écrit dans son Hommage à l’Amiral Leblanc (aux éditions Ab irato) ceci, que je laisse à la méditation de chacun :

« Les hommes fous de la raison et du tangible s’enferment dans l’insignifiance car le tangible n’est rien.
Ils méprisent la beauté, la beauté les méprise.
Ils dissocient l’esprit et le corps et asservissent l’un à l’autre.
Ils veulent se libérer, ils manquent de rigueur.
Ils croient démystifier en démythifiant. En fait ils se suicident rationnellement. »


                                                                  
                                                         




© Patrice Pion, Aux iris flottant, 2012, collection particulière






                                                                                                         Pierre Vandrepote

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